Julia, ingénieure littoral

Julia, ingénieure littoralJulia Cochet est ingénieure d'études littoral à l'UBS et travaille pour le Laboratoire Géosciences Océan (LGO). Elle est en charge du projet Algobox, des ganivelles chargées de protéger les plages de l'érosion dunaire.

Julia, tu travailles aujourd'hui sur la préservation du littoral. Quel a été ton parcours pour y parvenir ?

J'ai fait un Bac STL Sciences & Techniques de Laboratoire à Rennes. Ensuite, j'ai tenté une prépa vétérinaire mais sans succès : je n'étais pas assez douée en Mathématiques pour devenir vétérinaire. J'ai poursuivi avec un BTS Gestion et Protection de la Nature à Auray sur l'écologie et la gestion des écosystèmes naturels.

Ensuite, je suis partie poursuivre mes études à Anglet afin de suivre une Licence Professionnelle  Biologie Appliquée aux écosystèmes. Mon stage de fin d'année portait sur la localisation des nids du Gravelot (NDLR : oiseau) à collier interrompu en lien avec la morphologie de la plage. Ce stage m'a permis de mettre un premier pied dans la géomorphologie du littoral.

J'ai alors eu envie d'arrêter les études mais je me suis aussi aperçue que ma Licence n'allait pas me permettre de trouver facilement un travail dans ce domaine si je n'approfondissais pas un peu plus celui-ci.

J'ai alors postulé pour un service civique sur le suivi de la Cistude d'Europe (NDLR : tortue d'eau douce) et la vipère d'Orsini au Conservatoire des Espaces Naturels de la région PACA. J'ai passé 6 mois à capturer des espèces protégées afin de les marquer, de les relâcher dans la nature puis de les recapturer afin d'effectuer un suivi de données. Cela nous a permis d'établir des statistiques concernant le suivi de population.

Cela m 'a donné aussi l'opportunité de rencontrer des coordinateurs de projet et c'est ainsi que j'ai postulé à l'UBS pour effectuer le Master Ingénierie et Gestion des REssources Côtières (IGREC-L). Acceptée à Vannes, j'ai eu peur au début de ne faire que de l'exploitation de ressources naturelles (prélèvement, extraction, granulat, ...) et, en fait, j'ai été agréablement surprise car ça n'a pas été du tout le cas.

Justement, tu as effectué ton M1 & M 2 IGREC-L à l'UBS, peux-tu nous expliquer l'intérêt de cette formation ?

C'est une formation pluridisciplinaire axée recherche mais aussi professionnelle car nous bénéficions de nombreuses sorties sur le terrain, ce qui n'est pas le cas partout. Mon parcours précédent m' a permis d'apporter une touche écologique à ma formation de master et de mettre en lien l'ingénierie du littoral avec l'écologie des habitats. On appelle cela "l'Eco-ingénierie" aujourd'hui, un domaine qui se développe de plus en plus.

 

Retrouvez la vidéo sur l'île de Bailleron avec le master IGREC- L

 

Et en quoi consiste l'éco-ingénierie ?

Il s'agit d'utiliser la dynamique naturelle d'un habitat pour améliorer son efficacité face à des perturbations. On soigne la nature (et donc l'humain) par la nature !

Quels sont les aspects positifs et/ou négatifs de ta formation ?

Indéniablement, je n'en vois que des positifs ! Les rencontres avec les professionnels, les sorties terrains et les 2 stages obligatoires chaque année en M1 & M2, la recherche appliquée, les problématiques très d'actualité (NDLR : qualité de l'eau, érosion, gestion des risques et des acteurs), coordination de projet, dynamique naturelle, interface terre-mer...

Et tes stages de master, peux-tu nous en parler ?

En master 1, j'ai mis en place le suivi d'aménagement écologique sur le trait de côte : c'était la mise en application de l'éco-ingénierie avec le projet AlgoBox®. J'ai participé à la réflexion autour de celui-ci en étant force de proposition.

En master 2, j'ai effectué l'analyse de l'efficacité de ces aménagements et j'ai aussi proposé la mise en place d'un réseau de sciences marines participatives, un observatoire avec suivi de protocole du trait de côte, pour pérenniser le suivi de ces aménagements grâce à des bénévoles.

Le résultat de cette initiative a été le recrutement de 10 personnes formées au recueil de données grâce à la création de protocoles facilités avec l'aide de l'association Réseau Initiatives des Eco-Explorateurs de la Mer (RIEM).

Les données me sont ensuite transmises pour analyse, je les traite pour comprendre la dynamique naturelle du site et, par conséquent, adapter la gestion de celui-ci.

Et ensuite, qu'as-tu fait après ton master ?

Suite à ces deux stages, j'ai reçu une proposition d'emploi par le Laboratoire Géosciences Océan (LGO) pour 2 CDD à mi-temps en 2016. L'un pour continuer le travail sur les AlgoBox® pour le laboratoire LGO (Ex-GMGL) avec le suivi de l'évolution dunaire et la gestion du réseau de sciences participatives. L'autre pour le laboratoire Géoarchitecture pour faire le suivi des oiseaux sur la plage de Suscinio par rapport à l'échouage d'algues et leurs conséquences. Là, il s'agit plutôt de la mise en place de protocoles pour mesurer l'impact de ces algues sur la vie des oiseaux qui y vivent : est ce une gêne ? un atout ? Les utilisent-ils pour leur habitat ?

En 2017, j'ai été reprise en CDD pour créer un observatoire citoyen du littoral morbihannais en coopération avec le Conseil Départemental 56 et l'association RIEM. Son objectif est d'éduquer le citoyen sur la problématique du littoral, notamment sur l'érosion et le recul du trait de côte), d'obtenir des données scientifiques pour apporter des réponses aux gestionnaires et aux élus afin d'améliorer la gestion du site en question et, enfin, de rechercher des subventions.

En quoi consiste le projet AlgoBox® ?

Les AlgoBox® ont été créées en interne et leur concept déposé à l'INPI par le laboratoire LGO. Concrètement, ce sont des casiers de ganivelle, des barrières en lattes de bois permettant de limiter les accès sur les plages et d'éviter ainsi le piétinement des dunes et des espèces y poussant et y vivant. Son rôle consiste à présenter un obstacle au vent ce qui permet de capter les sédiments transportés par celui-ci et de créer une butte de sable en pied de dune.

Ce concept existait déjà auparavant mais la différence est le rajout d'algues échouées à l'intérieur des ganivelles qui apporte de la matière organique en se décomposant et de favoriser la croissance des plantes qui vont donc venir fixer le sable avec leurs racines et ainsi limiter l'érosion.

En effet, il y a une grosse problématique d'échouage d'algues rouges en Bretagne sud.

Les AlgoBox® permettent non seulement d'augmenter la pousse des plantes par 4 mais aussi le nombre des espèces implantées et d'augmenter le recouvrement du sable. C'est ce que l'on appelle le développement de l'éco-ingénierie.

Le projet AlgoBox® (protection/réhabilitation des dunes)

 

Peux-tu nous en dire plus ?

L'objectif est de créer une avant-dune protectrice par rapport à la dune réelle afin d'éviter sa disparition en cas d'intempérie. Son rôle est donc avant tout d'être détruite à chaque tempête pour protéger la dune réelle. L'AlgoBox® accélère sa recréation après les tempêtes et sa résilience (NDLR : retour rapide à son état initial). Elle a servi de site test dans le cadre de la mise en place du réseau de Sciences Participatives.

Quelles sont les plages concernées ?

Les AlgoBox® ont été installées sur les plages de Penvins à Sarzeau et sur celle de Kerjouanno à Arzon. Un projet concerne aussi la plage de Gâvres. Pour pouvoir les mettre en place , il faut impérativement être en face d'une plage de sable, abritée (pas en façade), avec des dunes (pas de digue) et avec des échouages d'algues. A Arzon, par exemple, cela a permis la comparaison des différents aménagements pour limiter l'érosion sur plage grâce à elles.

 

Et en conclusion ?

Je dirai que l'éco-ingénierie peut être plus efficace que des systèmes d'ingénierie classique comme les enrochements, l'utilisation du béton ou des digues mais aussi plus écologique et enfin plus esthétique sur le plan paysager.